CHAPITRE V

Yar Nadrak était une cité fortifiée située au confluent des bras oriental et occidental de la Cordu. Les routes menant à la capitale des Nadraks traversaient des étendues désolées envahies par les ronces et jonchées de souches carbonisées, la forêt ayant été défrichée sur une bonne lieue à la ronde, de la façon la plus simple qui fût : en y fichant le feu. Les portes de la ville étaient d’énormes panneaux de bois badigeonnés de goudron, surmontés de répliques en pierre du masque de Torak qui semblaient lorgner les voyageurs. Garion réprima un frisson en passant sous ce visage d’une beauté et d’une cruauté inhumaines.

De hautes maisons coiffées de toits pointus bordaient les rues étroites et sinueuses. Les fenêtres des étages étaient munies de persiennes, pour la plupart fermées. Tous les éléments de construction en bois étaient barbouillés de goudron, et ces taches noires faisaient comme d’affreuses tumeurs sur les bâtiments.

L’air puait la tristesse et la peur. Les gens marchaient furtivement, les yeux baissés. Ils portaient plus rarement du cuir que les mineurs mais, comme eux, ils étaient toujours en noir, parfois orné d’un détail bleu ou jaune. Les seules véritables taches de couleur étaient les tuniques rouges des soldats malloréens. Ils donnaient l’impression d’être chez eux : ils arpentaient en conquérants les rues pavées de galets, interpellaient les citoyens avec rudesse et parlaient très fort entre eux dans leur parler guttural.

C’étaient pour la plupart de jeunes brutes qui roulaient des mécaniques pour dissimuler leur appréhension de se retrouver en terre étrangère, mais les Grolims de Mallorée n’étaient pas de la même espèce. Contrairement à ceux que Garion avait vus au Cthol Murgos, ils portaient rarement le masque d’acier poli et leur faciès arborait le plus souvent une expression sinistre, les lèvres pincées, les yeux rétrécis. Tout le monde, les Malloréens comme les Nadraks, s’écartait devant eux quand ils arpentaient les rues dans leurs robes noires à capuchon.

Garion et Silk entrèrent en ville à dos de mulet et sous bonne escorte. Silk avait passé le trajet à badiner, à échanger des insultes, des ragots et des souvenirs avec le rugueux Nadrak. Malgré son air plutôt cordial, celui-ci n’avait pas relâché sa vigilance un seul instant, et ses archers ne les quittaient pas des yeux. Garion avait passé les trois derniers jours à scruter la forêt en vain ; il n’avait pas vu signe de Belgarath. Il était très inquiet et Silk, avec son petit sourire confiant et détendu, commençait à lui pomper l’air.

Ils suivirent une ruelle tortueuse, accompagnés par le claquement des sabots de leurs montures, puis Yarblek leur fit emprunter une allée crasseuse menant vers la rivière.

— Je croyais que le palais était plutôt par là, nota Silk avec un mouvement de menton vers le centre de la ville.

— En effet, confirma Yarblek, mais nous n’allons pas au palais. Drosta a de la visite, et il préfère régler ses affaires en privé.

L’allée déboucha bientôt sur un passage sordide, entre deux rangées de maisons plus hautes, plus étroites et plus miteuses encore que les autres. Deux Grolims de Mallorée tournèrent au coin d’une ruelle, juste devant eux. Le Nadrak cessa de bavarder et les regarda approcher avec une hostilité manifeste.

L’un d’eux s’arrêta et lui rendit son regard.

— On dirait que vous avez un problème, l’ami, insinua le Grolim.

— Et alors, c’est mon affaire, non ? rétorqua Yarblek.

— En effet, à condition que ça n’aille pas trop loin. Le fait de manquer ostensiblement de respect à un prêtre pourrait vous attirer de sérieux ennuis, menaça l’homme à la robe noire avec un regard assorti.

Sans trop savoir pourquoi, Garion tenta prudemment d’effleurer l’esprit du Grolim, mais il n’y retrouva pas l’aura particulière qui semblait liée à l’esprit des sorciers.

— Ne fais pas ça, l’avertit sa voix intérieure. C’est comme si tu sonnais le tocsin ou si tu te promenais avec une pancarte.

Garion se hâta de rétracter sa pensée.

— Je croyais que tous les Grolims étaient des sorciers, répondit-il silencieusement. Ceux-là ne sont que des hommes comme les autres.

Mais la conscience qui habitait son esprit était partie.

Les deux Grolims passèrent leur chemin et Yarblek cracha sur le sol avec mépris.

— Les porcs ! grommela-t-il. Je commence à détester les Malloréens autant que les Murgos.

— Mon pauvre Yarblek, on dirait qu’ils ont envahi ton pays, observa Silk.

— Vous en laissez entrer un, marmonna Yarblek, et avant d’avoir eu le temps de dire ouf, c’est tout juste si vous ne marchez pas dessus.

— Pourquoi les avez-vous laissés entrer, déjà ? insinua suavement Silk.

— Ecoute, Silk, commença abruptement Yarblek, je sais que tu es un espion, et je me refuse à discuter politique avec toi, alors arrête de faire l’âne pour avoir du son.

— C’était juste pour passer le temps, protesta Silk en ouvrant de grands yeux innocents.

— Et si tu t’occupais plutôt de tes oignons ?

— Mais ce sont mes oignons, cher ami.

Yarblek braqua sur lui un regard dur puis éclata de rire.

— Où allons-nous ? reprit Silk en observant la rue sordide. Ce n’est pas le quartier le plus élégant de la ville, pour autant que je m’en souvienne.

— Tu verras bien.

Les habitants du quartier, de pauvres hères en haillons, avaient le regard furtif des hommes qui ont de bonnes raisons d’éviter les autorités. Une odeur épouvantable montait de la rivière. Toutes les déjections, tous les déchets charriés par les égouts de la ville se déversaient dedans et flottaient à la surface. C’était un festin pour les rats.

Yarblek tira brusquement sur les rênes et s’engagea dans un boyau encore plus étroit et sordide.

— Nous allons être obligés de continuer à pied, annonça-t-il en descendant de cheval. Je préfère passer par-derrière.

Ils confièrent leurs montures à l’un de ses hommes et suivirent l’allée en enjambant soigneusement les tas d’ordures.

— Par là, fit Yarblek en leur indiquant une volée de marches vermoulues descendant vers un seuil étroit. A l’intérieur, baissez la tête. Pas la peine que tout le monde remarque que vous n’êtes pas du coin.

Arrivés en bas des marches grinçantes, ils se faufilèrent dans un bouge sordide, sombre et bondé, où planait un mélange d’odeurs âcres, de sueur, de bière renversée et de vomi. Dans une fosse creusée au centre et pleine de cendres jamais vidées, de grosses bûches achevaient de se consumer et d’enfumer la salle. Au moins éclairaient-elles un peu les lieux, les seules autres sources de lumière étant deux meurtrières crasseuses et une unique lampe à huile pendue au bout d’une chaîne accrochée à l’une des poutres.

— Asseyez-vous là, leur ordonna Yarblek avec un mouvement de menton en direction d’un banc placé le long d’un mur. Je reviens tout de suite.

Il se dirigea vers l’entrée de la taverne. Garion jeta un rapide coup d’œil autour de lui, mais se rendit compte tout de suite que deux des hommes de Yarblek se prélassaient comme par hasard juste à côté de la porte.

— Qu’est-ce qu’on fait ? murmura-t-il à l’oreille de Silk.

— On n’a pas le choix : on attend et on voit venir, répondit le petit Drasnien.

— Tu n’as pas l’air de t’en faire.

— Je ne m’en fais pas vraiment.

— Nous avons tout de même été arrêtés, non ?

— Quand on arrête quelqu’un, objecta Silk, on le met aux fers. Le roi Drosta veut me parler, et voilà tout.

— Mais l’avis de recherche disait que...

— Oublie ça, Garion. Cet avis de recherche était destiné aux Malloréens. Je ne sais pas ce que mijote Drosta, mais ce qui est sûr, c’est qu’il n’a pas envie de les mettre au courant.

Yarblek revint vers eux en jouant des coudes et se laissa tomber à côté d’eux, sur le banc crasseux.

— Drosta ne devrait pas tarder, déclara-t-il. Vous voulez boire quelque chose en attendant ?

Silk regarda autour de lui d’un air légèrement dégoûté.

— Je ne pense pas, déclina-t-il. Dans ce genre d’endroit, il n’est pas rare de trouver des rats crevés à la surface des tonneaux de bière. Sans parler des mouches et des cafards, mais ça, c’est normal.

— Comme vous voudrez, nota Yarblek.

— C’est tout de même un drôle d’endroit pour rencontrer un roi, non ? releva Garion en contemplant la taverne.

— On comprend quand on connaît Drosta. Il a des goûts bizarres et il aime bien le front de mer, insinua Silk.

— Notre monarque est un rude gaillard, approuva Yarblek en s’esclaffant, mais ne faites pas l’erreur de le prendre pour un imbécile. Il est un peu fruste, mais pas idiot. Les Malloréens se gardent bien de le suivre dans des endroits de ce genre et il a vite compris que c’était un bon moyen de traiter les affaires dont il n’avait pas envie de parler à ‘Zakath.

Une certaine animation se fit sentir vers l’entrée du bouge. Deux Nadraks aux larges épaules, vêtus de tuniques de cuir noir et coiffés de casques à pointe, firent leur entrée.

— Ecartez-vous ! aboya l’un d’eux. Tout le monde debout !

— Enfin, ceux qui peuvent se lever, précisa l’autre.

Un concert de lazzis et de cris d’animaux accueillit le petit homme sec et nerveux, en pourpoint de satin jaune et cape de velours vert doublée de fourrure, qui entra à leur suite. Il avait les yeux proéminents, le visage marqué par la vérole, et son expression exprimait un curieux mélange d’amusement sardonique et d’une sorte d’avidité frénétique et désespérée.

— Bienvenue à Sa Majesté Drosta lek Thun, roi des Nadraks, brailla un ivrogne d’une grosse voix pâteuse.

Sa déclaration fut saluée par des rires gras, des coups de sifflet et de nouveaux cris d’animaux.

— Mes fidèles sujets : des ivrognes, des voleurs et des proxénètes. La chaleur de votre amour me réchauffe le cœur ! rétorqua le vérolé avec un ricanement vulgaire.

Son mépris semblait presque autant dirigé contre lui-même que contre ces hommes dépenaillés et mal lavés. La foule se mit à siffler et à taper du pied de plus belle.

— Alors, Drosta, combien, ce soir ? hurla un homme.

— Autant que je pourrai, répliqua Drosta sur le même ton.

— La suite royale attend Sa Majesté, déclama le tavernier avec une courbette moqueuse.

— Et toutes les punaises royales sont au garde-à-vous, j’en suis sûr, ajouta Drosta. De la bière pour tous les hommes encore capables d’en ingurgiter. Que mes loyaux sujets boivent à mon ardeur virile !

Les hurlements redoublèrent tandis que le roi s’approchait d’un escalier montant vers les étages de la bâtisse.

— Le devoir m’attend, proclama Son Altesse en embrassant l’escalier d’un ample mouvement du bras. Que tous notent avec quel empressement j’assume cette grave responsabilité !

Il gravit les marches sous les rires de la plèbe.

— Et maintenant ? demanda Silk.

— Attendons un peu, répondit Yarblek. On pourrait se douter de quelque chose si nous montions tout de suite.

Garion s’agitait fébrilement sur son banc. Il éprouvait un picotement derrière les oreilles. Oh, pas fort, mais de façon obsédante, comme si quelque chose rampait sous sa peau. Une idée désagréable lui passa par la tête : et si des poux ou des puces avaient émigré de la racaille qui hantait la taverne à la recherche de sang frais ? Mais il l’écarta aussitôt. Le picotement ne semblait pas externe.

Un homme apparemment perdu de boisson ronflait à la table d’à côté, le visage enfoui dans les bras. Il s’interrompit un instant au milieu d’un vrombissement pour lever la tête et lui faire un clin d’œil. C’était Belgarath. Le vieux sorcier laissa retomber sa figure au creux de son coude tandis qu’un indicible soulagement s’emparait de Garion.

Un tapage infernal régnait à présent dans la taverne. Une vilaine bagarre éclata tout à coup près de la fosse. La foule commença par encourager les adversaires de la voix, puis elle se déchaîna en leur flanquant des coups de pied tandis qu’ils se roulaient par terre.

— Allons-y, décréta sèchement Yarblek en se levant.

Il se fraya un chemin dans la foule, l’épaule en avant, et commença à monter l’escalier.

— Grand-père est là, chuchota Garion à l’oreille de Silk.

— J’ai vu, confirma brièvement Silk.

L’escalier menait à un couloir sinistre, jonché de tapis élimés qui n’avaient jamais dû être nettoyés. A l’autre bout, les deux gardes du roi étaient appuyés de chaque côté d’une porte massive. Ils donnaient l’impression de s’ennuyer ferme.

— Je m’appelle Yarblek, annonça le Nadrak en s’approchant. Drosta m’attend.

Les gardes échangèrent un coup d’œil, puis l’un d’eux toqua à la porte.

— Majesté, l’homme que vous attendiez est arrivé.

— Faites-le entrer, fit la voix étouffée de Drosta.

— Il n’est pas seul, ajouta le garde.

— Ça va, ça va.

— Allez-y, ordonna le garde en ouvrant la porte.

Le roi des Nadraks était vautré sur un lit défait, les bras passés autour des épaules décharnées de deux filles crasseuses, à peu près nues, aux cheveux emmêlés et aux yeux sans espoir.

— Alors, Yarblek, attaqua le monarque dépravé en guise de salut. Je me demandais si tu allais finir par arriver ?

— Voyons, Drosta, je ne tenais pas à attirer l’attention en vous suivant trop vite.

— Un peu plus et j’oubliais notre rendez-vous, reprit Drosta en lorgnant les deux filles. Ne sont-elles pas délicieuses ?

— Quand on aime ce genre-là, répliqua Yarblek avec un haussement d’épaules. Je les préfère un peu plus mûres.

— Ça a aussi son charme, reconnut Drosta. Mais moi je les aime toutes. Je tombe amoureux vingt fois par jour. Allons, mes jolies, laissez-nous, ordonna-t-il aux filles. J’ai des affaires à régler. Je vous enverrai chercher plus tard.

Les deux filles s’empressèrent de sortir en refermant la porte derrière elles.

Drosta s’assit au bord du lit en se grattant distraitement une aisselle. Son pourpoint jaune, froissé et maculé de taches, était ouvert sur son bréchet osseux, couvert de vilains poils noirs. Il était presque décharné, et ses bras ressemblaient à deux baguettes. Il avait le cheveu rare, graisseux, la barbe pelée. Son visage vérolé était criblé de cicatrices rouges, profondes, des croûtes squameuses lui couvraient le cou et les mains, et il ne sentait vraiment pas bon.

— Dis donc, Yarblek, tu es bien sûr que c’est l’homme que je cherche ? l’interrogea-t-il enfin.

Garion jeta un regard pénétrant au roi des Nadraks. Toute trace de vulgarité avait disparu de sa voix et son ton incisif, direct, était celui d’un homme qui ne plaisantait pas avec les affaires. Garion révisa son jugement. Drosta lek Thun n’était pas du tout celui qu’il semblait être.

— Je le connais depuis des années, affirma Yarblek. C’est le prince Kheldar de Drasnie, alias Silk, Ambar de Kotu et Radek de Boktor. C’est un voleur, un escroc, un espion et plutôt un bon bougre.

— Nous sommes enchanté de rencontrer un homme aussi honorable, déclara le roi Drosta. Bienvenue chez nous, Prince.

— Majesté, répondit Silk avec une courbette.

— Je vous aurais bien fait venir au palais, mais certains de mes invités ont la sale habitude de fourrer leur nez dans mes affaires, enchaîna Drosta avec un rire sec. Par bonheur, les Malloréens sont pudibonds. Ils n’osent pas me suivre dans ce genre d’endroits, ce qui est bien pratique pour discuter. Sans compter que je m’y sens bien, ajouta-t-il en promenant un regard à la fois indulgent et amusé sur le mobilier minable et les tentures rouges, vulgaires.

Garion s’efforçait de se faire oublier, appuyé au mur, près de la porte, mais le regard fébrile de Drosta ne tarda pas à le repérer.

— On peut lui faire confiance ? questionna le roi.

— Absolument, Majesté, lui assura Silk. C’est mon élève. Je lui apprends le métier.

— Lequel ? Le vol ou l’espionnage ?

— Ça revient au même, esquiva Silk avec un haussement d’épaules. Yarblek m’a dit que vous vouliez me parler. Les malentendus d’autrefois étant oubliés, j’imagine que vous désirez plutôt m’entretenir de l’actualité.

— Vous êtes un rapide, Kheldar, répliqua Drosta d’un ton approbateur. J’ai besoin de votre aide et je suis prêt à payer pour l’obtenir.

— J’aime le mot « payer », commenta Silk avec un large sourire.

— C’est ce que je me suis laissé dire. Vous savez ce qui se passe ici, au Gar og Nadrak ? fit Drosta en étrécissant les yeux, bannissant de son visage toute trace du sybaritisme grossier qu’il affectait un instant plus tôt.

— Je suis le renseignement incarné, Majesté.

Drosta poussa un grognement et s’approcha d’une table où étaient placés un flacon de vin et des verres.

— Vous voulez boire quelque chose ?

— Pourquoi pas ?

Drosta remplit quatre verres, en prit un et se mit à arpenter nerveusement la pièce avec une expression préoccupée.

— Je vous assure, Kheldar, que je m’en passerais, éclata-t-il. Ma famille a passé des siècles à faire échec aux Grolims, et voilà qu’ils sont sur le point de faire sombrer le Gar og Nadrak dans l’obscurantisme et la barbarie. Que voulez-vous que je fasse avec le quart de million de Malloréens qui se promènent ici comme chez eux et l’armée stationnée à mes frontières ? Si je bouge le petit doigt, ‘Zakath broiera mon royaume sous son talon.

— Vous pensez vraiment qu’il ferait ça ? biaisa Silk en se vautrant dans un fauteuil, devant la table.

— Avec la même émotion que vous à l’idée d’écraser une mouche, précisa Drosta. Vous l’avez déjà rencontré ?

Silk eut un mouvement de dénégation.

— Vous avez bien de la chance, commenta Drosta en haussant le sourcil. Taur Urgas est fou, mais quelle que soit la haine que j’ai pour lui, je reconnais qu’il est encore humain. ‘Zakath est de glace. Il faut que j’entre en contact avec Rhodar.

— Ah, ah ! fit Silk. Nous y voilà donc.

— Vous n’êtes pas antipathique, Kheldar, coupa sèchement Drosta, mais je ne me serais pas donné tout ce mal pour le seul plaisir de votre compagnie. Il faut que vous transmettiez mon message à Rhodar. J’ai tenté d’entrer en contact avec lui, mais je n’y suis jamais parvenu. Il ne reste pas en place. Comment un homme aussi gros peut-il se déplacer aussi vite ?

— Il ne faut pas s’y fier, observa laconiquement Silk. Qu’avez-vous en tête, au juste ?

— Une alliance, répondit Drosta du tac au tac. J’ai le dos au mur. Si je ne parviens pas à conclure un pacte avec Rhodar, je vais être dévoré tout cru.

— C’est un projet ambitieux, Majesté, nota Silk en reposant doucement son verre. Compte tenu de la situation, il faudra déployer des trésors de ruse et d’efficacité.

— Et pourquoi croyez-vous que je fais appel à vous ? Nous sommes au bord du gouffre. Il faut que vous persuadiez Rhodar de retirer son armée de la frontière thulle. Dites-lui d’arrêter cette folie avant qu’il ne soit trop tard.

— Je n’ai pas tout à fait le pouvoir de faire obéir mon oncle, répliqua Silk avec circonspection. Je suis flatté que vous me croyiez investi d’une telle influence, mais les choses ne se passent pas comme ça.

— Vous ne comprenez donc pas ce qui nous arrive ? reprit le roi Drosta en gesticulant. Notre seul espoir de survie est de ne pas fournir aux Murgos et aux Malloréens le moindre prétexte pour s’allier. Nous devrions susciter la discorde entre eux, pas leur fournir un ennemi commun. Taur Urgas et ‘Zakath ont l’un pour l’autre une telle haine qu’elle en devient presque sacrée. Il y a plus de Murgos que de grains de sable dans la mer et plus de Malloréens que d’étoiles dans les cieux. Les Grolims peuvent toujours s’époumoner à dire que Torak va se réveiller, mais Taur Urgas et ‘Zakath ont une autre raison de prendre les armes : devenir roi des rois du peuple angarak. Ils vont droit à l’extermination mutuelle. Nous pouvons nous débarrasser des deux à condition de ne pas nous en mêler.

— Je vois ce que vous voulez dire, murmura Silk.

—  ‘Zakath fait franchir la Mer du Levant aux Malloréens et les rassemble au camp de Thull Zelik pendant que Taur Urgas regroupe les Murgos du Sud près de Rak Goska. Ils vont bien finir par se rentrer dedans. Ce n’est vraiment pas le moment d’intervenir. Laissons-les s’exterminer tranquillement. Dites à Rhodar de se retirer avant d’avoir tout gâché.

— Vous avez essayé de discuter avec les Thulls ? s’informa Silk.

Drosta eut un reniflement méprisant.

— A quoi bon expliquer quoi que ce soit à Gethell ? Autant parler à un tas de fumier. Les Thulls ont tellement peur des Grolims que le seul nom de Torak les ferait rentrer dans un trou de souris. Gethell est bien un Thull. Il a de la vase entre les oreilles.

— Il n’y a qu’un ennui, Drosta, c’est que je ne peux pas porter votre message au roi Rhodar.

— Vous ne pouvez pas ? explosa Drosta. Comment ça, vous ne pouvez pas ?

— Nous ne sommes pas en très bons termes en ce moment, mon oncle et moi, mentit Silk sans un battement de cils. Nous avons eu un petit différend il y a quelques mois. Son premier mouvement, si j’avais le malheur de l’approcher, serait de me faire jeter dans un cul-de-basse-fosse, et je suis presque sûr qu’il ne s’arrêterait pas là.

— Alors nous sommes perdus, grommela Drosta en se recroquevillant sur lui-même. Vous étiez mon dernier espoir.

— Laissez-moi réfléchir, temporisa Silk. Nous pouvons peut-être essayer d’arranger ça. Il est évident que je ne peux pas me charger personnellement de votre mission, conclut-il après avoir contemplé le plancher un moment en se rongeant un ongle. Mais ça ne veut pas dire que personne ne peut le faire.

— En qui Rhodar pourrait-il avoir confiance ?

Silk se tourna vers Yarblek qui avait suivi la conversation en fronçant les sourcils d’un air préoccupé.

— Tu n’es pas en délicatesse avec les autorités drasniennes en ce moment ? questionna-t-il.

— Pas que je sache.

— Très bien, commenta Silk. Il y a un marchand de fourrures à Boktor, un dénommé Geldahar.

— Un petit gros avec les yeux qui se croisent ?

— C’est ça. Apporte-lui un chargement de fourrures, et tout en essayant de les lui fourguer, dis-lui que le saumon se vend mal cette année.

— Je suis sûr que ça le fascinera.

— C’est un mot de passe, lui expliqua Silk en affectant une patience exagérée. Il actionnera les rouages nécessaires pour te faire introduire au palais, près de la reine Porenn.

— Je me suis laissé dire que c’était une très belle femme, reconnut Yarblek, mais c’est un bien long voyage rien que pour voir une jolie fille. J’en trouverai sûrement une pas mal du tout au bout du couloir.

— Tu ne comprends vraiment rien à rien. Porenn est la femme de Rhodar. Il a plus confiance en elle qu’en moi. Elle comprendra que c’est moi qui t’envoie et elle transmettra tout ce que tu lui diras à mon oncle. Rhodar recevra le message de Drosta trois jours après ton arrivée à Boktor, je te le garantis.

— Vous voudriez mettre une femme au courant ? protesta Drosta. Vous êtes fou, Kheldar. Le seul moyen de faire garder un secret à une femme, c’est de lui couper la langue.

— Allons, Drosta, fit Silk en secouant fermement la tête, Porenn est à la tête des services de renseignements drasniens. Elle connaît déjà la plupart des secrets du monde. Vous n’arrivez jamais à faire passer un messager à travers les lignes aloriennes. N’y songez même pas. Rhodar est entouré de Cheresques, et ils tirent à vue sur tout ce qui ressemble à un Angarak. Si vous voulez entrer en contact avec lui, il faudra que vous passiez par l’intermédiaire des services de renseignements drasniens, autant dire Porenn,

— Peut-être, conclut Drosta, l’air pas très convaincu. Au point où j’en suis, je suis prêt à tout essayer. Mais pourquoi faire appel à Yarblek ? Vous ne pourriez pas faire vous-même parvenir le message à la reine de Drasnie ?

— Je crains que ce ne soit pas une très bonne idée, objecta douloureusement Silk. Porenn était au cœur du différend qui nous a opposés, mon oncle et moi. Ce n’est vraiment pas le moment que je pointe mon nez au palais.

Le roi haussa vivement l’un de ses sourcils broussailleux.

— Vous m’en direz tant ! s’esclaffa-t-il. Vous n’avez pas volé votre réputation, à ce que je vois ! Alors, à toi de jouer, commanda-t-il en se tournant vers Yarblek. Prends les dispositions nécessaires en vue de ton voyage vers Boktor.

— Vous me devez déjà de l’argent, rétorqua froidement Yarblek. Vous n’avez pas oublié la récompense promise pour la capture de Kheldar, hein ?

Drosta haussa les épaules.

— Mets-moi ça par écrit.

— Et puis quoi encore ? railla Yarblek. Les bons comptes font les bons amis. On sait que vous êtes dur à la détente une fois que vous avez obtenu satisfaction.

— Yarblek, protesta faiblement Drosta, je suis ton roi.

— J’honore et je respecte Votre Majesté, déclara Yarblek en inclinant la tête dans une attitude un peu moqueuse, mais les affaires sont les affaires.

— Je n’ai pas une pareille somme sur moi, objecta Drosta.

— Pas de problème, Drosta, je ne suis pas pressé de partir.

Yarblek croisa les bras et s’installa dans un vaste fauteuil sous le regard impuissant du roi des Nadraks.

C’est alors que la porte s’ouvrit devant Belgarath, qui s’avança vers le monarque avec détermination.

— Qu’est-ce que c’est ? s’écria Drosta, incrédule. Gardes ! beugla-t-il. Faites sortir cet ivrogne d’ici !

— Ils dorment, Drosta. Mais ne leur en veuillez pas trop, ce n’est pas leur faute, répondit calmement Belgarath en refermant la porte derrière lui.

— Qui êtes-vous ? Et où vous croyez-vous ? Sortez d’ici !

— Je pense, Drosta, que vous feriez mieux d’y regarder à deux fois, lui conseilla Silk avec un petit ricanement sec. Vous ne devriez pas faire jeter les gens dehors avec une telle promptitude. Les apparences peuvent être parfois trompeuses, et il a peut-être des choses importantes à vous dire.

— Vous le connaissez, Kheldar ? s’étonna Drosta.

— Tout le monde ici-bas le connaît ou a entendu parler de lui, rétorqua Silk.

Le visage de Drosta adopta une expression perplexe, mais Yarblek bondit de son fauteuil.

— Drosta ! hoqueta-t-il d’une voix blanche. Regardez-le ! Réfléchissez une minute ! Vous savez qui c’est !

Drosta examina le vieil homme dépenaillé en ouvrant de grands yeux.

— Vous ! balbutia-t-il.

— Il était dans le coup depuis le début, balbutia Yarblek, incapable de détacher ses yeux de Belgarath. J’aurais dû m’en rendre compte au Cthol Murgos. Lui, la femme, eux tous.

— Que faites-vous au Gar og Nadrak ? s’enquit Drosta d’une voix emplie de crainte.

— Nous ne faisons que passer, Drosta, assura Belgarath. Si vous avez dit tout ce que vous aviez à dire, j’ai besoin de ces deux Aloriens. Nous avons un rendez-vous et nous ne sommes pas en avance.

— J’ai toujours cru que vous étiez un mythe.

— Je fais de mon mieux pour encourager ce mythe, rétorqua le vieux sorcier. Ça facilite mes déplacements.

— Avez-vous un rapport quelconque avec les activités présentes des Aloriens ?

— Ils agissent plus ou moins sur ma suggestion, en effet. Polgara les tient à l’œil.

— Vous ne pourriez pas prendre contact avec eux et leur demander de faire machine arrière ?

— Ce ne sera pas nécessaire, Drosta. A votre place, je cesserais de m’en faire au sujet de ‘Zakath et Taur Urgas. Nous avons sur les bras des problèmes autrement plus importants que leurs petites querelles de clocher.

— Voilà donc ce que fait Rhodar, reprit Drosta comme si la vérité venait de lui apparaître. Il est vraiment si tard ?

— Il est plus tard encore que vous ne pensez, confirma le vieux sorcier en se versant un verre de vin. Torak a commencé à bouger dans son sommeil et il est probable que l’affaire sera réglée avant les premières neiges.

— Les choses vont trop loin, Belgarath. Je manœuvre comme je peux entre Taur Urgas et ‘Zakath, mais je ne prendrai jamais le risque de m’attirer les foudres de Torak.

Il se tourna vers la porte d’un air décidé.

— Ne vous emballez pas, conseilla calmement Belgarath en s’installant dans un fauteuil et en sirotant son vin. Les Grolims sont parfois très irrationnels, et, en me voyant à Yar Nadrak, ils pourraient croire à une collusion entre nous. Roi ou pas roi, ils vous renverseraient sur un de leurs autels et votre cœur grésillerait sur les braises avant que vous ayez eu le temps de vous justifier.

Drosta s’arrêta net. Son visage vérolé devint d’un blanc crayeux. L’espace d’un instant, il donna l’impression de se livrer à un farouche combat intérieur, puis ses épaules retombèrent et sa résolution parut fondre comme neige au chaud soleil du Cthol Murgos

— Vous me tenez à la gorge, n’est-ce pas, Belgarath ? conclut-il enfin avec un petit rire amer. Vous avez réussi à me damer le pion, et vous allez maintenant profiter de votre avantage pour m’obliger à trahir le Dieu des Angaraks.

— Vous l’aimez tant que ça ?

— Personne n’aime Torak. J’ai peur de lui, et c’est une raison plus motivante que le besoin sentimental d’éviter de le contrarier. S’il se réveille...

Le roi des Nadraks se mit à frissonner.

— Vous avez déjà réfléchi à ce que serait le monde s’il n’existait pas ? suggéra Belgarath.

— Vous en demandez trop. C’est un Dieu. Nul ne peut espérer en venir à bout. Il est trop puissant pour ça.

— Il y a des choses plus puissantes que les Dieux, Drosta. J’en vois déjà deux, comme ça, sans chercher, deux choses qui foncent l’une vers l’autre en vue de la rencontre finale, et je pense qu’il ne serait vraiment pas astucieux de vous dresser entre elles en ce moment précis.

Mais une autre idée venait de passer par la tête de Drosta. Il se tourna lentement vers Garion, le contempla avec stupeur, secoua la tête et se frotta les yeux. Garion crut que les globes oculaires de Drosta allaient lui sortir de la figure et se recroquevilla intérieurement. Apparemment, la soudaine prise de conscience effaçait la muette injonction de l’Orbe, et le roi des Nadraks voyait bien ce qui se dressait ostensiblement devant lui. Un mélange de crainte à l’état pur et d’espoir irraisonné s’inscrivit sur son visage disgracieux.

— Ma-Majesté, bredouilla-t-il en se prosternant devant Garion avec un profond respect.

— Majesté, répondit Garion en inclinant poliment la tête.

— Eh bien, on dirait que je n’ai plus qu’à vous souhaiter bonne chance, conclut Drosta d’une voix calme. En dépit de ce que dit Belgarath, je pense que vous allez en avoir besoin.

— Merci, roi Drosta, dit Garion.

La Fin de Partie de l'Enchanteur
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